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الأربعاء، أغسطس 16، 2006

Où est passé l’argent du pétrole tchadien ?

Classé parmi les pays les moins avancés, le Tchad achève sa deuxième année d’exploitation pétrolière. Malgré cet atout, il souffre, comme le Niger voisin, de famine. Pour contrôler la gestion de l’or noir, la Banque mondiale a quasiment mis N’Djamena sous tutelle. Mais les bénéfices du pétrole tardent à arriver. Tout en annonçant des réformes institutionnelles, le régime a, le 18 juillet 2005, fait condamner deux journalistes.

Par Anne-Claire Poirson Economiste.
Le pétrole est devenu la première recette d’exportation du Tchad, devant le coton et la gomme arabique. En 2004, pour sa première année d’exploitation, le pays a engrangé 67,5 milliards de francs CFA (103 millions d’euros (1)). Si la production (200 000 barils par jour) reste encore faible comparée à celle du Nigeria voisin (2 millions de barils), l’exploitation prévue sur vingt-cinq ans devrait fournir un peu plus de 2 milliards de barils au total – 80 millions de barils sont attendus pour 2005.
La production est concentrée dans la région de Doba, au sud du pays : champs de Komé, Bolobo et Miandoum, avec deux cent cinquante puits prévus, et autour de Doba, vingt-cinq puits à réinjection d’eau (2). La production du champ de Komé a démarré fin février 2004, et les opérations de forage s’y sont poursuivies durant plusieurs mois (au total, cent soixante-quinze puits forés). Celle du champ de Bolobo est effective depuis août 2004. Le consortium exploitant, composé des deux compagnies pétrolières américaines ExxonMobil et ChevronTexaco ainsi que de la malaisienne Petronas, a vendu plus de 63 millions de barils en 2004, principalement en Asie et aux Etats-Unis. D’autres compagnies pétrolières ont manifesté leur désir d’être associées à une possible exploitation (3).
Parmi les pays africains qui exploitent ou découvrent du pétrole (4), la particularité du Tchad tient au mode de gestion des recettes engendrées. La Banque mondiale, qui a financé en partie le projet – coût total : 3,5 milliards de dollars –, a imposé une préaffectation des revenus au profit des secteurs dits « prioritaires ». Garantie par un contrat entre le consortium et l’Etat, celle-ci concerne l’éducation, la santé, le développement rural et les infrastructures. Cependant, malgré des besoins immenses, peu de projets de développement ont été validés, notamment en raison de la lenteur de l’administration. Ce qui fait craindre que la grande majorité de la population n’en bénéficie pas, du moins à court terme. En outre, le système de contrôle ne concerne pas les recettes dites indirectes (impôts sur les sociétés et taxes), qui représenteront près de 45 % du montant total de ces recettes et qui sont directement versées au Trésor public tchadien. Compte tenu de la nature militaire et clanique du régime en place à N’Djamena, ces fonds bénéficieront-ils aux populations ?
Depuis qu’il a renversé le dictateur Hissène Habré en décembre 1990 (5), le général Idriss Déby a entrepris des réformes démocratiques sans résoudre la question du clanisme (6). La Constitution, approuvée par référendum en 1996, instaure le suffrage universel et autorise pour la première fois le multipartisme. Mais, depuis les élections législatives de 2002, le Mouvement patriotique du salut (MPS) – parti du président – détient une écrasante majorité à l’Assemblée nationale, les vingt-sept partis d’opposition servant de « caution démocratique ». Ces derniers, souvent marqués par l’ethnicité et le régionalisme, sont dépourvus d’une stratégie commune et d’un chef charismatique qui mobiliseraient les citoyens contre un dispositif présidentiel de choc.
M. Déby a été réélu en 2001 et a fait modifier la Constitution par référendum, le 6 juin 2005, afin de briguer un troisième mandat. D’autre part, les médias – radios et télévisions – sont étroitement contrôlés ; seule la presse écrite jouit d’une liberté d’expression relative, même si les arrestations de journalistes restent fréquentes, comme l’illustre la condamnation, le 18 juillet 2005, de deux d’entre eux à des peines de prison ferme. L’ethnie du président (zaghawa) monopolise les principaux postes de direction de la pléthorique armée nationale (7), héritage de la guerre civile qui a divisé le pays tout au long des années 1980.
La relative « stabilité politique » est troublée de l’extérieur par le conflit qui sévit depuis 2003 dans le Darfour voisin (8). La médiation entreprise par le président Déby pour chercher une issue à la crise est particulièrement contestée au sein de son ethnie, principale victime du conflit. En outre, à l’intérieur du pays, les mouvements de protestation se font entendre – grèves des fonctionnaires non payés depuis des mois, manifestations contre le recensement des effectifs militaires ; le clan présidentiel est divisé, et la tentative de coup d’Etat de mai 2004 illustre bien le climat de tension.
Le pétrole a profondément bouleversé la structure de l’économie locale en 2004. Le secteur primaire a crû de 35 % malgré les mauvais résultats de l’agriculture vivrière en 2004-2005. En revanche, les effets induits de l’activité pétrolière, notamment sur le bâtiment, les travaux publics ainsi que sur les services, tendent à se réduire avec l’achèvement des travaux de construction de l’oléoduc reliant Doba (Tchad) à Kribi (Cameroun) et le départ massif des sociétés sous-traitantes étrangères.
Des contrats confidentiels
Ces bouleversements des circuits économiques traditionnels sont-ils absorbables par un pays où les inégalités sociales sont flagrantes (60 % des Tchadiens vivent en dessous du seuil de pauvreté) et où les tensions régionales et claniques sont vives ? De nombreuses critiques ont été formulées par des associations locales et internationales quant aux conséquences sociales et environnementales du projet pétrolier (9). En effet, l’installation d’infrastructures pétrolières dans une région fortement agricole a engendré une déforestation de la zone, le déplacement de populations locales et l’abandon de leurs cultures vivrières. A posteriori, les organisations non gouvernementales (ONG) ont obtenu une revalorisation des indemnisations pour les dommages causés.
Par ailleurs, selon un rapport de l’Agence française de développement (AFD), les effets stimulants sur le marché de l’emploi sont restés limités, et le projet semble avoir plus profité aux travailleurs camerounais et asiatiques, mieux qualifiés, qu’aux Tchadiens. Enfin, selon l’association américaine Catholic Relief Services (CRS), « malgré l’attention et le soutien reçus de la part de la Banque mondiale et d’autres donateurs, le Tchad n’est toujours pas en mesure de gérer les complexités d’une économie de plus en plus dominée par le pétrole (10) ». L’association dénonce l’instabilité politique, qui favorise l’opacité de la gestion, et le fait que les contrats pétroliers entre le consortium d’exploitation et le gouvernement de N’Djamena restent confidentiels.
Composé de membres du gouvernement et de représentants de la société civile, un Collège de contrôle et de surveillance des recettes pétrolières a été mis en place tardivement, chargé de vérifier l’ensemble des flux financiers et de valider les projets bénéficiaires. Mais cette lourdeur supplémentaire a différé au mois de juillet l’arrivée des recettes dans les caisses de l’Etat. En outre, le dispositif législatif permettant la gestion des comptes spéciaux (comptes de la région productrice et fonds pour les générations futures) ainsi que la sélection de deux banques commerciales pour faire transiter les fonds ont été retardés.
En novembre 2004, 44 milliards de francs CFA seulement étaient rapatriés du compte séquestre offshore (11) de la City Bank pour être placés au Tchad. Ces retards interviennent alors que l’Etat fait face à de graves difficultés de trésorerie dues à la suspension de l’aide budgétaire du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et de l’Union européenne, suite à l’accumulation d’arriérés de paiement de la dette extérieure. L’arrivée tardive des recettes a aggravé ces tensions et reporté les investissements publics.
Malgré la hausse des cours mondiaux du pétrole en 2004 (jusqu’à 67 dollars le baril au cours de l’été 2004), le baril tchadien n’a pas dépassé les 27 dollars en moyenne, ramenant le montant de la redevance pétrolière – fixée entre l’Etat et le consortium à 12,5 % des recettes d’exportations (12) – à 67,5 milliards de francs CFA pour 2004 (103 millions d’euros). Un tel écart de prix a provoqué une vive polémique à N’Djamena. Les compagnies pétrolières mettent en cause la qualité relativement médiocre du brut, qui augmenterait le coût du transport (un pétrole visqueux transite moins vite à travers un oléoduc) et entraînerait une importante décote (de 6 à 9,80 dollars par baril entre le premier et le second semestre 2004). Afin d’éclaircir les conditions de fixation des prix, le gouvernement a lancé un audit.
Faibles retombées
Les besoins sont grands : le Tchad est un des pays d’Afrique centrale les moins bien équipés en infrastructures – à peine 12 % des besoins électriques couverts dans la capitale, et délestages fréquents ; coupures d’eau à répétition ; très peu de routes goudronnées, et 15kilomètres de routes à ouvrir dans la capitale ; bâtiments administratifs plus que vétustes, etc.
Dans le domaine de la santé et de l’éducation, le personnel manque de formation, et les besoins en matériel sont pressants. Dans le secteur agricole, certaines filières de production traditionnelles héritées de la période coloniale et encore trop artisanales paraissent fragiles (notamment la gomme arabique et le coton) ; d’autres doivent être mieux contrôlées, comme la filière élevage, dont le commerce frontalier avec le Nigeria est à 80 % de nature informelle, ce qui représente un manque à gagner pour l’Etat de 1 milliard de francs CFA environ. Enfin, la transformation de matières premières telles que l’arachide, la mangue et le bétail devrait être encouragée.
La totalité des crédits pétroliers n’a pu être engagée : seuls 27,7 milliards de francs CFA (42,3 millions d’euros) sur 36,8 milliards prévus (56,2 millions d’euros) l’ont été, la capacité des instances ministérielles à élaborer des politiques sectorielles de long terme faisant défaut. A la différence d’autres pays africains, la rotation du personnel au sein des ministères tchadiens est relativement élevée : en moyenne, un ministre ne reste pas plus de six mois en fonction. Par conséquent, leur degré d’implication demeure très faible, et peu de projets ont été proposés et approuvés par le Collège de contrôle.
Au total, trente-six marchés ont été attribués et lancés dans les secteurs prioritaires en 2004, dont huit entièrement payés. Les travaux publics se taillent la part du lion, avec plus de 23 milliards de francs CFA (35,1 millions d’euros) accordés pour des marchés routiers, tandis que les ministères de la santé, de l’élevage et de l’agriculture, moins habitués aux procédures d’appel d’offres, n’ont profité que d’une faible part des crédits pétroliers.
Cinq milliards de crédits de 2004 ont été reportés au budget 2005 et sont venus s’ajouter aux 125 milliards de francs CFA de redevance pétrolière attendus – en tablant sur 80 millions de barils exportés. Mais les torts ne sont pas seulement imputables au Tchad : en tant que coordinatrice du projet, la Banque mondiale a fortement négligé la formation du personnel administratif local et s’est complètement désengagée du processus décisionnel. D’une manière générale, pendant des années, les bailleurs de fonds ont négligé et dénigré les pouvoirs publics partout en Afrique.
Le système d’affectation des recettes pétrolières au profit de secteurs prioritaires pourrait être un moyen efficace pour lutter contre la pauvreté en canalisant les investissements publics. Mais il instaure un contrôle indirect de la Banque mondiale sur la gestion du pétrole puisque celle-ci a participé à la mise en place des instances responsables (Collège de contrôle et deux banques commerciales). En outre, le problème de la capacité des Etats concernés à absorber de tels montants et celui de leurs moyens techniques et humains pour élaborer des politiques publiques adéquates ne sont nullement résolus.
Anne-Claire Poirson.

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